Remboursement

1. Pour des soins ambulatoires non hospitaliers

Il convient de noter que pour les soins ambulatoires non hospitaliers, l’obtention d’une autorisation préalable n’est pas obligatoire.

(a) Quand est déposée la demande de remboursement ?

Si vous n’avez pas demandé ou bien n’avez pas obtenu une autorisation préalable de la caisse de maladie pour les soins non hospitaliers reçus à l’étranger, vous pouvez déposer la demande de prise en charge à votre retour au Luxembourg. A cet effet, il suffit d’envoyer les factures acquittées du médecin à votre caisse de maladie, au plus tard deux ans après le paiement des factures (article 84 du Code de la sécurité sociale).

Si vous avez demandé et obtenu une autorisation préalable de la caisse de maladie, les frais afférents sont pris en charge par l’institution étrangère et mis en compte directement par celle-ci à la caisse de maladie luxembourgeoise. Il n’y a donc pas lieu de déposer les factures auprès de la caisse luxembourgeoise.

(b) Selon quelles règles se calcule le taux de remboursement ?

A défaut d’E 112 optionnel pour les soins non hospitaliers à l’étranger, les conditions de la réglementation luxembourgeoise sont appliquées pour le calcul de la prise en charge des frais. Parmi celles-ci figurent par exemple des délais, l’exigence de devis et d’ordonnances médicales. Ces conditions sont aussi applicables pour les prestataires étrangers. La question est de savoir si l’application des règles luxembourgeoises aux prestataires étrangers – telle que requise par la caisse de maladie – se trouve en conformité avec la libre prestation des services dans l’UE. L’Ombudsman Marc Fischbach donne deux exemples à ce sujet dans son rapport d’activité 2006/2007. Dans le premier cas, la caisse de maladie avait invoqué le défaut d’ordonnance médicale indiquant le code de la pathologie en cause ainsi que l'exécution du traitement par un médecin ne disposant pas d’un agrément ministériel au Luxembourg. Dans le deuxième cas, les analyses médicales effectuées en Allemagne (selon les prescriptions allemandes) ne figuraient pas sur la liste des analyses pouvant être effectuées par les médecins luxembourgeois (fixée par un règlement grand-ducal). Il n’existe encore aucune jurisprudence à ce sujet. Si, dans l’Etat où les soins ont été prodigués, un montant supérieur était pris en charge, cette différence ne pourrait être remboursée. Si le montant prévu est supérieur à celui du pays où vous avez été soigné, le montant supérieur vous sera remboursé.

Si une autorisation préalable vous a été accordée, la procédure d’autorisation vous garantit le droit à la prise en charge selon les tarifs de l’Etat membre où sont délivrés les services et produits médicaux. Vous pouvez, le cas échéant, bénéficier de l’application du tiers payant, ce qui vous dispense de faire l’avance de la totalité des frais (voy. www.mss.public.lu/maladie_maternite/soins_sante/traitement_etranger/index.html).

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2. Pour des soins en milieu hospitalier stationnaire

(a) Quand la demande de remboursement est-elle déposée ?

L’autorisation S2 (ex-E112) délivrée avant le traitement ne vous dispense pas de présenter les factures acquittées à la caisse de maladie après le traitement. Le délai de deux ans, calculé à compter du paiement de la facture, s’applique également dans ce cas. Cela concerne toutes les factures n’ayant pas été réglées par voie de prise en charge directe par l’organisme du pays où vous avez séjourné.

(b) Selon quelles règles se calcule le taux de remboursement ?

En présence d’une autorisation par la procédure S2 (ex-E112), la prise en charge des frais s’effectue selon les conditions du pays où les soins vous ont été prodigués (pays de séjour) (article 26 des statuts de la Caisse nationale de santé).

Si votre caisse de maladie prévoit un remboursement à un montant plus élevé, elle doit vous faire bénéficier de la différence. Dans ce cas, l'assuré doit se voir accorder la prise en charge à un montant identique que celui qui lui revient s’il avait été traité dans un hôpital au Luxembourg (CJCE, 12 juillet 2001, Abdon Vanbraekel).

Cette solution est logique, puisqu’un tel remboursement complémentaire ne représente aucune charge financière supplémentaire pour le système luxembourgeois d’assurance maladie, comparé à un remboursement à effectuer dans le cas de soins hospitaliers au Grand-Duché. De l’avis de la CJUE, ce remboursement complémentaire ne présente pas non plus de risque pour le maintien d’une capacité de soins ou d’une compétence médicale au Luxembourg (CJCE, 12 juillet 2001, Abdon Vanbraekel). Même des contraintes budgétaires ne peuvent être avancées comme prétexte par la caisse de maladie pour se soustraire à son obligation de rembourser le montant de la différence (CJCE, 16 mai 2006, Yvonne Watts).

Si le remboursement vous a été confirmé, le taux légal le plus élevé est appliqué, c.-à.-d. soit le taux fixé par les règles luxembourgeoises, soit celui du pays de séjour.

(c) Difficulté de comparaison entre les différents systèmes de caisses de maladie

En vue de calculer le montant du complément différentiel devant être remboursé par la caisse de maladie luxembourgeoise, il est nécessaire de déterminer les frais d’un traitement équivalent au Luxembourg.

Les caisses de maladie invoquent très souvent des difficultés administratives qui, malgré le souhait de déterminer le coût d’un traitement équivalent, rendraient impossible une telle tarification. La codification des prestations facturées à l’étranger ne serait pas comparable à la nomenclature luxembourgeoise. A cela s’ajouterait le fait que le Luxembourg ne possède pas de système équivalent pour la tarification des prestations en milieu hospitalier. De plus, un alignement de la législation luxembourgeoise dans le sens de la création de tarifs spéciaux pour les soins à l’étranger resterait à entreprendre, en attendant que les questions fondamentales sur ce point soient éclaircies par la jurisprudence. La CJCE a également reconnu que rien n’empêche l’Etat de fixer le montant des remboursements auxquels les patients ayant été soignés dans un autre Etat membre ont droit, tant que ces montants se basent sur des critères objectifs, non discriminatoires et transparents (arrêt du 13 mai 2003, V.G. Müller-Fauré e.a., C-385/99, I-4509).

Le Conseil supérieur des assurances sociales est néanmoins d’avis qu’une détermination du coût de l’hospitalisation selon la législation luxembourgeoise est parfaitement possible. La juridiction estime que les organismes sociaux ne sauraient se retrancher derrière leur interprétation de la législation pour s’opposer à tout remboursement, ce d’autant plus qu’un calcul des frais hospitaliers devrait pouvoir se faire pour un séjour en l’hôpital en chambre de deuxième classe et que les honoraires médicaux sont calculables d’après des barèmes existants (Conseil supérieur des assurances sociales, arrêt du 26 mars 2003, B. c. CMEP, Reg. CMEP 2002/0145, n° 2003/0050).

Dans un arrêt du 7 juillet 2006 (Z. c. CMEP, Reg. CMEP 2005/0128, n° 2006/0061), le Conseil supérieur des assurances sociales a chargé un expert de calculer, pour un litige précis, le montant du complément différentiel susceptible de revenir à l’assuré. Dans son arrêt rendu après le dépôt du rapport d’expertise, malgré le fait que l’expert avait estimé opportun un remboursement complémentaire supérieur à 2.000 euros, le Conseil supérieur a rejeté la demande faute par l’expert d’avoir été formel dans ses conclusions (voy. arrêt du 21 décembre 2009, Z. contre CNS, Reg. CMEP 2005/0128, n° 2009/0170). Après un arrêt de la Cour de cassation, cassant l'arrêt du 21 décembre 2009, l'affaire se trouve à nouveau pendante devant le Conseil supérieur des assurances sociales.

(d) Quels frais sont pris en charge ?

Outre les dépenses relatives aux soins médicaux, des frais sont souvent occasionnés pour le voyage, le séjour, l’hébergement et la restauration, pour un proche vous accompagnant, pour la télévision dans votre chambre, etc.

L’obligation de prise en charge concerne uniquement des frais entraînés par des soins médicaux dans le pays de séjour, c.-à.-d. en cas d’hospitalisation, les frais des soins médicaux mêmes, ainsi que les dépenses y étant indissociablement liées pour le séjour et la restauration dans l’établissement prodiguant les soins.

Cependant, si les règles luxembourgeoises prévoient la prise en charge d’autres frais (p. ex. pour le transport du patient entre son domicile et le lieu du traitement ou pour le transport et/ou le séjour de la personne accompagnante) et si votre demande de prise en charge a été acceptée, le remboursement de ces frais ne peut être refusé sous prétexte que le traitement a eu lieu à l’étranger. Bien plus, il faut procéder comme si les soins médicaux avaient été prodigués au Luxembourg (article 28 des statuts de la Caisse nationale de santé : « Séjour et accompagnement à l'étranger. Art. 28. Les frais de séjour d'une personne protégée qui est obligée à suivre à l'étranger un traitement ambulatoire dûment autorisé sont pris en charge intégralement aux tarifs applicables aux assurés sociaux de l'étranger. A défaut d'un tel tarif, ils sont pris en charge par journée entière jusqu’à concurrence de dix euros (10,00 €) au nombre cent de l’indice pondéré du coût de la vie au 1er janvier 1948. Sur demande expresse et autorisation du contrôle médical, les frais de séjour d'une personne accompagnant la personne protégée à l'étranger qui doit y subir un traitement ou une consultation autorisés conformément à l'article précédent, sont à charge de l'assurance maladie dans les conditions de l'alinéa précédent et dans la mesure où la présence de cette personne est certifiée indispensable par le médecin traitant étranger. Une autorisation spéciale n'est pas requise lorsqu'il s'agit d'un mineur d'âge.»).

Il est possible, en Allemagne par exemple, d’avoir recours à des prestations complémentaires (« Wahlleistungen ») en concluant une convention spécifique. Grâce à celle-ci, vous vous assurez en plus l’attention personnelle, les qualifications et l’expérience spécialisées des médecins de l’hôpital autorisés à présenter une note d’honoraires (de façon générale les médecins en chef et les praticiens chefs de service particulièrement expérimentés ou spécialisés). Une telle convention spécifique peut entraîner une charge financière considérable. La question de savoir si un montant différentiel doit être remboursé par la caisse de maladie dans le cas où parmi les prestations facturées en vertu de cette convention, se trouvaient aussi des prestations remboursables au Luxembourg si le traitement avait eu lieu au Luxembourg, n’est actuellement pas encore définitivement tranchée. Dans un arrêt du 24 juin 2009 (CMFEC c. H., Reg. CMFEC 2007/0209, No 2009/0073), réformant le jugement du Conseil arbitral des assurances sociales du 23 octobre 2007, le Conseil supérieur des assurances sociales a estimé que les prestations qualifiées selon la législation allemande de « Wahlleistungen » sont à assimiler à des prestations de convenance personnelle, qui ne sont pas remboursées par la caisse de maladie de l’affiliée. Les suppléments facturés à la patiente n’étant remboursables ni en Allemagne ni au Luxembourg, celle-ci ne saurait prétendre, selon le Conseil supérieur, à un remboursement complémentaire. L’arrêt précité du 24 juin 2009 se trouve en contradiction avec l’arrêt précité du même Conseil supérieur du 7 juillet 2006 dans lequel le Conseil motive sa décision de recourir à un expert par le fait que la caisse de maladie est « malvenue d’affirmer que le contrat « Wahlleistungsvereinbarung » conclu par la requérante ne lui serait opposable pour en conclure que [Z.] n’aurait pas droit à un remboursement complémentaire pour les frais lui facturés sur base de ce contrat. En effet à supposer que parmi ces frais figurent des prestations qui auraient été prises en charge par la sécurité sociale luxembourgeoise si le traitement avait eu lieu au Grand-Duché de Luxembourg, le fait de refuser un remboursement de ces prestations sur base des tarifs luxembourgeois reviendrait à décourager les assurés luxembourgeois de s’adresser aux prestataires de services médicaux établis en Allemagne et constituerait dès lors tant pour ces assurés que pour les prestataires un obstacle à la libre prestation de services ».

(e) L’influence de la participation de régimes privés d’assurance maladie

Dans sa jurisprudence récente, le Conseil supérieur des assurances sociales a reconnu l’influence de la participation de régimes privés d’assurance maladie sur les montants devant être remboursés par la caisse de maladie.

A l’exemple de la Caisse médico-chirurgicale mutualiste (CMCM), un assuré obligatoire s’est vu dénier le droit de se faire rembourser par la caisse de maladie, en raison du fait qu’il avait déjà été dédommagé par la CMCM (Conseil supérieur des assurances sociales, arrêt du 18 octobre 2006, D. c. CMEP, Reg. CMEP 2006/0064, n° 2006/0181; les frais avaient été occasionnés dans ce cas par des soins urgents, donc imprévus, en Espagne).

Dans un autre arrêt récent de 2008, ce même remboursement a été refusé car la CMCM avait informé dans un courrier que l’assuré avait droit au paiement d’un certain montant, tout en précisant que la facture de la caisse de maladie devait être présentée, pour le cas où cela concernerait des factures prises en charge par l'assurance maladie obligatoire (Conseil supérieur des assurances sociales, arrêt du 9 janvier 2008, Z. c. CMEP, Reg. CMEP 2005/0128, n° 2008/0007 - cet arrêt fut entretemps annulé par la Cour de cassation (arrêt du 12 février 2009, Z. c. CMEP, Reg. 2594, n° 10/09) et l’affaire est renvoyée au Conseil supérieur des assurances sociales. Le motif de cette annulation résidait dans le fait que le Conseil supérieur des assurances sociales avait contesté l’intérêt à agir justifié de la patiente au vu du courrier de la CMCM de 2007, alors qu’il y a lieu, comme le rappelle très justement la Cour de cassation, d’apprécier l’existence de l’intérêt à agir à la date de dépôt du recours (2003, en l’espèce).

Dans le cadre de certains litiges, les représentants des caisses de maladie ont fait remarquer aux juridictions sociales qu'avant même de calculer le montant de remboursement de la caisse de maladie, l’assuré doit déclarer s’il a contracté une assurance maladie privée et s'il a, dans le cas concret, reçu une participation financière de la part de la CMCM. A ce sujet, la caisse de maladie entre également en contact avec la CMCM.

Ici, il y va aussi bien de l’intérêt de la CMCM que de l’assuré d'attendre tout d'abord le calcul du montant devant être remboursé par la caisse de maladie obligatoire (dont le système prévoit une assurance obligatoire avec des cotisations fixées par la loi). Les statuts de la CMCM prévoient que la participation de la CMCM aux frais de soins médicaux à l’étranger ne dépasse pas le montant restant à la charge de l’assuré après remboursement par la caisse de maladie obligatoire (article 12 des statuts de la CMCM).

La caisse de maladie obligatoire ne devrait donc pas pouvoir se soustraire à son obligation légale de rembourser en invoquant l’existence d’un contrat d’assurance de droit privé de l’assuré avec une compagnie d’assurance maladie privée. Le chemin inverse que le Conseil supérieur des assurances sociales semble vouloir prendre, est susceptible de se heurter au système d’assurance maladie général, obligatoire et légal tel que celui existant au Luxembourg.


 

Jurisprudence Vanbraekel

Dans ce litige, une ressortissante belge avait sollicité en février 1990 auprès de sa caisse de maladie l’autorisation de subir en France une intervention chirurgicale orthopédique. La caisse de maladie avait refusé au motif que sa demande était insuffisamment motivée. La requérante n’avait pas produit l’avis d’un médecin exerçant dans une structure universitaire nationale. Nonobstant cette absence d’autorisation, la patiente se soumit à ladite intervention en avril 1990. De retour en Belgique, elle intenta une action en justice auprès du tribunal compétent en vue d’obtenir le remboursement du coût des soins par la caisse de maladie, aux taux pratiqués en Belgique. Après le rejet de son recours, la patiente fit appel devant la Cour de travail à Mons. En décembre 1994, l’expert judiciaire arriva à la conclusion que le rétablissement de la santé de la patiente nécessitait l’hospitalisation en France ainsi que l’intervention chirurgicale. Après que la plaignante soit décédée durant le procès et que ses héritiers - son conjoint et leurs six enfants - aient repris l’instance, la cour d’appel belge condamna la caisse de maladie à prendre en charge les frais d’hospitalisation. Seule la question de la hauteur de cette prise en charge restait à régler. En cas de prise en considération des coefficients de remboursement prévus par la législation française, le remboursement des frais s’élèverait à 38 608,89 francs français, en cas d’application des coefficients belges à 49 935,44 francs français.

La Cour de justice des Communautés européennes, dans son arrêt du 12 juillet 2001, a jugé que, si le remboursement de frais exposés pour des services hospitaliers fournis dans un Etat membre de séjour, qui résulte de l’application des règles en vigueur dans cet Etat, est inférieur à celui qui aurait résulté de l’application de la législation en vigueur dans l’Etat membre d’affiliation en cas d’hospitalisation dans ce dernier, un remboursement complémentaire correspondant à cette différence doit être accordé à l’assuré par l’institution compétente.

 

Application du taux le plus élevé - Exemple

Les frais de votre hospitalisation à l’étranger s’élèvent à 5 000 euros.

Premier cas : le pays de séjour prévoit un remboursement de 3 800 euros. Le Luxembourg ne rembourserait, pour des soins médicaux équivalents dispensés au Grand-Duché, que 3 000 euros.

Grâce à l’attestation de prise en charge vous ayant été délivrée, vous jouissez des mêmes conditions que pour un assuré dans le pays de votre séjour. Donc 3 800 euros vous seront remboursés. Les 1 200 euros restants sont à votre charge.

Deuxième cas : le pays de séjour prévoit un remboursement de 3 800 euros. Le Luxembourg rembourserait, pour des soins médicaux équivalents dispensés au Grand-Duché, 4 000 euros.

Dans ce cas, la prise en charge des frais se fait tout d’abord conformément à la réglementation du pays de séjour, donc à hauteur de 3 800 euros.

En guise de supplément, la caisse de maladie luxembourgeoise vous rembourse la différence, c.-à.-d. 4 000 – 3 800 = 200 euros.

Ainsi, au total, 4 000 euros sont remboursés, si bien que le patient n’a plus que 1 000 euros à sa charge.