Autorisation

1. Pour des soins ambulatoires non hospitaliers

Pour des soins programmés à l’avance, prodigués par un médecin étranger dans son cabinet, vous pouvez vous rendre directement dans le pays où les soins vous seront prodigués. Une autorisation préalable de la caisse de maladie n’est pas obligatoire, mais le fait de solliciter et d’obtenir une telle autorisation aura des conséquences sur le taux de prise en charge des frais.

Cette même règle est valable pour l’achat de produits auprès de fournisseurs de prestations étrangers, par ex. l’achat de lunettes chez des opticiens étrangers.

La simplification est apparue suite aux arrêts Kohll et Decker de la CJCE du 28 avril 1998 (voy. ci-contre). Jusqu’à cette date, la prise en charge de prestations médicales remboursables selon les modalités du droit de l’Etat d’affiliation était conditionnée par une autorisation préalable de l’organisme assureur de cet Etat si les prestations étaient délivrées dans un autre Etat membre.

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2. Pour des soins en milieu hospitalier stationnaire

Pour des soins programmés à l’avance en milieu hospitalier stationnaire, la caisse de maladie exige que vous déposiez une demande préalable de prise en charge des frais.

(a) Pourquoi l’autorisation de la caisse de maladie est-elle nécessaire pour des soins hospitaliers ?

Le droit luxembourgeois et de l’Union européenne de la sécurité sociale prescrit que le patient doit solliciter et obtenir une autorisation préalable de prise en charge des frais de soins hospitaliers à l’étranger (article 23, alinéa 2, des statuts de la CNS: « Sauf les traitements d'urgence reçus en cas de maladie ou d'accident lors d'un séjour temporaire à l'étranger, la prise en charge des prestations délivrées à l'étranger doit être couverte par une autorisation donnée par le contrôle médical suivant les modalités prévues par les présents statuts et, au cas où il s'agit de prestations délivrées dans un pays lié au Luxembourg par un des instruments visés à l'alinéa 1er ci-dessus, dans la forme et d'après les modalités prévues par ces instruments. »).

L’exigence d’une autorisation préalable représente aussi pour la Cour européenne de justice une mesure nécessaire et raisonnable (CJCE, 12 juillet 2001, B.S.M. Smits contre Stichting Ziekenfonds VGZ et H.T.M. Peerbooms contre Stichting CZ Groep Zorgverzekeringen, C-157/99, I-5473). Le nombre des infrastructures hospitalières, leur répartition géographique, leur aménagement et les équipements dont elles sont pourvues, ou encore la nature des services médicaux qu’elles sont à même d’offrir doivent pouvoir faire l’objet d’une planification. Une telle planification poursuit l’objectif de garantir, sur le territoire de l’Etat concerné une accessibilité suffisante et permenante à une gamme équilibrée de soins hospitaliers de qualité. D’autre part, elle doit contribuer à assurer une maîtrise des coûts et à éviter, dans la mesure du possible, tout gaspillage de ressources financières, techniques et humaines. Un tel gaspillage s’avérerait, de l’avis de la CJUE, d’autant plus dommageable qu’il est constant que le secteur des soins hospitaliers engendre des coûts considérables et doit répondre à des besoins croissants, tandis que les ressources financières pouvant être consacrées aux soins de santé ne sont, quelque soit le mode de financement utilisé, pas illimitées.

Le système d’autorisation préalable doit, cependant, se baser sur des critères objectifs et non discriminatoires, connus à l’avance. Le pouvoir d‘appréciation des autorités nationales est encadré, ce qui doit empêcher l’arbitraire (CJCE, 23 octobre 2003, Patricia Inizan contre Caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine, C-56/01, I-12403).

(b) Demande de prise en charge des frais et délivrance du formulaire S2 (ex-E 112)

La demande de prise en charge des frais doit être adressée à la Caisse nationale de santé. Une demande écrite émanant du médecin traitant (article 27, alinéa 1, des statuts de la Caisse nationale de santé : « La prise en charge par l'assurance maladie des consultations visées à l'article précédent, est subordonnée à une autorisation donnée par le contrôle médical sur base d'une demande écrite émanant d'un médecin. Si la demande concerne un transfert pour un traitement médical à l'étranger visé à l'article 25, la demande doit être produite par un spécialiste dans la discipline médicale spécifique du domaine de laquelle relève le cas ou du domaine d'une discipline apparentée. ») doit être couchée sur un formulaire spécial.

La demande doit contenir la désignation du médecin ou du centre spécialisé appelé à donner les soins, le diagnostic précis, la finalité du transfert à l’étranger, la présentation des faits ainsi que les critères de qualité des soins qui rendent impossible ou inadéquat un traitement au Luxembourg (article 27, alinéa 2, des statuts de la Caisse nationale de santé : « La demande d'autorisation, présentée sur un formulaire spécial, contient la désignation du médecin ou du centre spécialisé appelé à donner les soins à l'étranger, le diagnostic précis, la finalité du transfert à l'étranger, la motivation exposant les faits et critères de qualité des soins qui rendent impossible ou inadéquat le traitement au Luxembourg, ainsi que le cas échéant une justification établissant que le déplacement ne peut être effectué par les transports publics en commun. Les dispositions du chapitre 11 sont applicables.»).

La demande est examinée à sa réception par le médecin du contrôle médical.

Dans le cas où la demande est acceptée par le contrôle médical, la Caisse nationale de santé atteste en délivrant le formulaire S2 (ex-E112), qu’elle prendra en charge les frais des soins que le demandeur souhaite recevoir à l’étranger. Le formulaire mentionne l'adresse de l'ayant droit de la prise en charge des frais, la durée de la prise en charge pour les prestations et, si possible, l’établissement appelé à dispenser les soins.

Chaque année, plus de 12 000 demandes sont déposées au Luxembourg dont à peine plus de 4 % sont refusées.

Moins de la moitié des demandes concernent des soins hospitaliers (5.033 autorisations E 112 pour des soins en milieu hospitalier stationnaire en 2006, l’autre partie concernant les consultations (4 540), les traitements ambulatoires (1 623), les cures (60) et les analyses (460) (source: Union des caisses de maladie, Décompte annuel global des recettes et des dépenses de l’assurance maladie-maternité de l’exercice 2006 et bilan de l’assurance maladie-maternité au 31 décembre 2006, page 64) en grande partie pour des maladies cardiaques, des maladies des yeux et des tumeurs. En 2006, 24,8 millions d’euros ont été remboursés par les caisses de maladie sur la base de la procédure E 112. Par rapport à l’année 2005 (où 37,6 millions d’euros ont été remboursés), cela représente une baisse d’un tiers).

Dans le cas où, après délivrance du formulaire S2 (ex-E112), une nouvelle consultation du médecin ou de l’hôpital étranger est nécessaire pour garantir un suivi médical du traitement, le contrôle médical a la possibilité de dispenser le patient de présenter une nouvelle demande formelle.

Le formulaire S2 (ex-E112) est également valable si, lors d’un séjour dans un hôpital étranger, le médecin traitant décide qu’un traitement urgent est nécessaire dans un autre établissement même en dehors de l’UE. Dans un tel cas, la CNS ne peut exiger du patient qu’il retourne à son domicile afin de se soumettre à un contrôle médical. Il revient aux services de l’Etat membre, dans lequel le détenteur du formulaire E 112 s’est rendu pour se faire soigner, de décider du traitement adéquat. De façon générale, la caisse de maladie du domicile est liée par les décisions liées à la pathologie diagnostiquée ainsi que les mesures thérapeutiques nécessaires. La décision de faire prodiguer les soins dans un Etat non membre de l’UE fait partie de ces décisions. Tant que le traitement reste objectivement adéquat, il est couvert par l’attestation S2 (ex-E112) (CJCE, 12 avril 2005, les héritiers d’Annette Keller contre INSS et Ingesa, C-145/03, I-2529).

La CJUE exige que le régime d’autorisation mis en place par les autorités nationales repose notamment sur un système procéural aisément accessible. Le système doit aussi être propre à garantir aux intéressés que leur demande sera traitée dans un délai raisonnable, et avec objectivité et impartialité[xx].[xx] CJCE, 23 octobre 2003, Patricia Inizan, cf. note 13

(c) Que faire en cas de refus ?

De façon générale, le refus d’autorisation, ou les avis sur lesquels ces refus sont éventuellement fondés, doivent viser les dispositions spécifiques sur lesquelles ils reposent. Par ailleurs, le refus doit être dûment motivé au regard de ces disposition (CJCE, 23 octobre 2003, Patricia Inizan).

Les refus de la Caisse nationale de santé peuvent reposer sur des raisons aussi bien médicales qu’administratives.

Les refus administratifs sont fréquemment motivés par le fait que la prestation sollicitée n’est pas prévue dans le système de soins du pays où doit se faire le traitement, ou que les prestataires choisis dans l’autre Etat de l’Union européenne ne disposent pas de convention avec le système légal d’assurance maladie du pays de délivrance des soins (voy. Jean-Marie Feider, Intervention relative aux prestations médicales à l’étranger, Conférence sur les aspects du droit « européen de la consommation », 14 octobre 2005, page 8). Dans ces cas-là, la caisse de maladie ne délivre pas de formulaire S2 (ex-E112), au motif que dans le pays du traitement la prise en charge de tels soins n’est pas prévue.

Des raisons médicales sont avancées pour un rejet notamment lorsque le contrôle médical est d’avis que les soins peuvent tout aussi bien être prodigués au Luxembourg, ou si le médecin traitant n’a pu prouver que les soins médicaux au Grand-Duché ne sont pas adéquats (article 27, alinéa 3, des statuts de la Caisse nationale de santé : « A la suite d'une autorisation de transfert, le contrôle médical peut dispenser d'une demande formelle présentée dans les formes ci-devant si le transfert a pour objet une consultation du prestataire étranger, nécessaire en vue du suivi médical du traitement.»).

En effet, la prise en charge des frais peut être refusée lorsque les soins envisagés à l’étranger figurent parmi les prestations prévues au Luxembourg, et un traitement identique ou présentant le même degré d’efficacité pour le patient peut être obtenu en temps opportun au Luxembourg (CJCE, 23 octobre 2003, Patricia Inizan; article 20.2. du Règlement (CE) N° 883/2004: « … L’autorisation est accordée lorsque les soins dont il s’agit figurent parmi les prestations prévues par la législation de l’Etat membre sur le territoire duquel réside l’intéressé et que ces soins ne peuvent lui être dispensés dans un délai acceptable sur le plan médical, compte tenu de son état actuel de santé et de l’évolution probable de la maladie»).

Au cas où la Caisse nationale de santé refuse de prendre en charge les frais, au motif que des thérapies suffisantes et appropriées sont proposées au Luxembourg, et qu’il n'y a aucune nécessité médicale vous obligeant à vous faire soigner dans une clinique à l’étranger, vous avez néanmoins la possibilité d’avancer les arguments suivants en vous référant au droit de l’Union européenne (CJCE, 12 juillet 2001, Smits et Peerbooms).

Ainsi, l’autorisation ne pourra plus vous être refusée pour absence de nécessité médicale que lorsqu’un traitement identique ou présentant le même degré d’efficacité pour le patient peut être obtenu en temps opportun en ayant recours à un établissement avec lequel la caisse de maladie de l’assuré a conclu une convention. Lors de cette évaluation, il faudra tenir compte, d’un point de vue médicalement objectif, non seulement de la situation médicale du patient au moment où l’autorisation est sollicitée, mais aussi de ses antécédents, de l’évolution probable de la maladie ainsi que du degré de douleur et/ou de la nature du handicap (CJCE, 23 octobre 2003, Patricia Inizan).

L’autorisation préalable ne peut vous être refusée en se fondant exclusivement sur l’existence de listes d’attente, celles-ci étant destinées à planifier et gérer l’offre hospitalière en fonction de priorités cliniques préétablies en termes généraux. La CNS doit bien plus tenir compte de votre santé personnelle et s’assurer que le délai d'attente prévu ne dépassera pas le délai acceptable compte tenu d’une évaluation médicale objective de vos besoins cliniques (CJCE, 16 mai 2006, Yvonne Watts contre Bedford Primary Care Trust, Secretary of State for Health, C-372/04, I-4325). Par ailleurs, la fixation des délais d’attente doit être conçue d’une manière souple et dynamique, afin qu'un délai initialement notifié puisse être reconsidéré en fonction d’une dégradation de votre état de santé qui surviendrait postérieurement.

L’autorisation ne peut vous être refusée au motif que le traitement dans un autre Etat est plus cher qu’au Luxembourg. Une telle argumentation est insuffisante, tant que les délais d’attente au Luxembourg dépassent le délai acceptable d’un point de vue médical.

Au cas où la Caisse nationale de santé motive son refus par le fait que le traitement envisagé n’est pas considéré comme usuel dans les milieux professionnels concernés, vous avez la possibilité d’avancer les arguments suivants en vous référant au droit de l’Union européenne (CJCE, 12 juillet 2001, Smits et Peerbooms).

La prise en considération des seuls traitements habituellement pratiqués sur le territoire national et des seules conceptions scientifiques du milieu médical national en vue de déterminer ce qui est ou n’est pas usuel n’offre pas la garantie d’objectivité et d’impartialité. L’autorisation ne peut donc être refusée s’il s’avère que le traitement est suffisamment éprouvé et validé par la science médicale internationale.

Si le refus du contrôle médical vous semble reposer sur des raisons incompréhensibles, ou s’il ne respecte pas les règles précitées, vous pouvez vous adresser de nouveau à la Caisse nationale de santé respectivement au contrôle médical et leur exposer vos arguments.

Si votre demande de prise en charge des frais est refusée, vous pouvez faire valoir vos droits en justice. La juridiction pourra désigner un expert indépendant, ce qui garantit objectivité et impartialité, si elle juge cela nécessaire dans le cadre du contrôle qu’elle se doit d’effectuer (CJCE, 23 octobre 2003, Patricia Inizan).

Dans le cas où vous vous faites soigner avant même d’avoir reçu une réponse définitive à votre demande de prise en charge des frais, vous n’en perdez pas pour autant vos droits. Si par exemple vous avez essuyé un refus et que le caractère non fondé d’un tel refus est ultérieurement établi, vous êtes en droit d’obtenir le remboursement d’un montant équivalent à celui qui aurait été supporté si l’autorisation avait été dûment délivrée dès l’origine (CJCE, 12 juillet 2001, Abdon Vanbraekel entre autres, contre l’Alliance nationale des mutualités chrétiennes (ANMC), C-368/98, I-4325)

Si vous n’avez pas attendu la clôture de la procédure judiciaire initiée à l’encontre d’une décision de refus de prise en charge des frais, le remboursement ne peut vous être refusé pour cette seule raison (CJCE, 18 mars 2004, Leichte, C-8/02, I-2641).


 

Kohll et Decker

Dans le premier litige, il s’agissait d’un ressortissant luxembourgeois ayant demandé à sa caisse de maladie d’autoriser pour sa fille mineure un traitement auprès d’un orthodontiste à Trèves (Allemagne). La raison du refus de cette demande fut que le traitement n’était pas urgent et pouvait de plus être prodigué au Luxembourg.

Dans le deuxième litige, le plaignant, un ressortissant luxembourgeois, avait demandé à sa caisse de maladie de lui rembourser les frais d’une paire de lunettes avec verres correcteurs achetée auprès d’un opticien à Arlon (Belgique) sur ordonnance de son ophtalmologiste luxembourgeois. La raison du refus de remboursement fut que les lunettes avaient été achetées à l’étranger sans autorisation préalable.

Le fait de soumettre la prise en charge des prestations de maladie remboursables, selon les modalités de la législation de l'État d'affiliation, à une autorisation préalable de l'institution de cet État lorsque les prestations sont fournies dans un autre État membre constitue, selon la Cour de justice des Communautés européennes, une restriction à la libre prestation des services respectivement à la libre circulation des marchandises, telles que garanties par les traités européens. Une telle réglementation découragerait les assurés sociaux de s'adresser aux prestataires de services médicaux établis dans un autre État membre et constitue, tant pour ces derniers que pour leurs patients, une entrave à la libre prestation des services.

L’Union des caisses de maladie justifiait cette entrave par le contrôle nécessaire des dépenses de santé (l'exigence d'une autorisation préalable étant le seul moyen efficace et le moins contraignant pour contrôler les dépenses de santé et pour maintenir l'équilibre budgétaire du système de sécurité sociale) et par la  sauvegarde de la santé publique (l’exigence étant nécessaire pour garantir la qualité des prestations médicales et l’offre d’un service médical et hospitalier équilibré et accessible à tous les affiliés au Luxembourg).

Pour la Cour européenne, une atteinte grave à l’équilibre financier du système de la sécurité sociale peut certes constituer une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier pareille entrave. En l’espèce cependant, ni le remboursement forfaitaire pour lunettes ou verres correcteurs achetés dans d’autres Etats membres, ni le remboursement de frais de soins dentaires selon les tarifs de l’Etat d’affiliation n’ont une incidence sur le financement ou l’équilibre du système de sécurité sociale.

Même lors du contrôle de la justification objective de la réglementation litigieuse par des motifs liés à la protection de la santé publique, telle que mise en avant par le gouvernement luxembourgeois, la Cour européenne de justice à Luxembourg a soutenu la thèse des plaignants. L’application de la réglementation litigieuse ne peut être justifiée par le prétexte que la qualité nécessaire des prestations médicales fournies dans d’autres Etats membres doit être garantie. La réglementation luxembourgeoise n’est pas considérée comme étant nécessaire en vue d’assurer le maintien d’une capacité de soins ou une compétence médicale essentielle sur le territoire national.

La CJCE a donc décidé dans les deux cas que les réglementations nationales luxembourgeoises transgressaient les dispositions du traité CE dans la mesure où l’achat de lunettes ou les soins dentaires étaient conditionnés par l’obtention d’une autorisation préalable de la caisse de maladie.

Source: CJCE, 28 avril 1998, Raymond Kohll contre l’Union des caisses de maladie, C-158/96, I-1931 ;Nicolas Decker contre la Caisse de maladie des employés privés, C-120/95, I-1831

 

Glossaire: S2 / E112

A partir du 1er mai 2010, avec l’entrée en vigueur du règlement (CE) N° 883/2004 et du règlement (CE) N° 987/2009 portant fixation des modalités de son application, le formulaire E 112 a été remplacé par le nouveau formulaire « S 2 », dénommé « Le droit à des soins programmés » - Autorisation de transfert à l’étranger en vue d’y effectuer un traitement.